Le sujet de l’alcool au travail, bien que délicat, n’est pas nouveau mais lorsqu’un salarié se présente en état d’ébriété sans antécédents, la situation devient plus complexe. C’est précisément cette problématique que la Cour de cassation a abordée dans un arrêt du 11 septembre 2024. Un salarié peut-il être licencié alors qu’il n’a jamais connu de faute disciplinaire dans son entreprise? Examinons le cas d’une jurisprudence récente qui montre l’importance des circonstances dans l’évaluation des sanctions disciplinaires lors d’ivresse sur son lieu de travail.
Sommaire
Etat d’ébriété sur son lieu de travail
Les faits de l’affaire remontent à une soirée de mai 2016 et ce soir-là, un ouvrier travaillant de nuit se présente à son poste avec un retard de plus de deux heures et en état d’ébriété.
Il s’était rendu à une fête de famille et avait pris soin de prévenir un collègue, afin que celui-ci informe son supérieur de son retard. À son arrivée, conformément au règlement de l’entreprise, un alcootest est réalisé. Le résultat est positif, et le salarié est renvoyé chez lui, dans l’incapacité d’accomplir son travail.
Peu après, le 9 juin 2016, l’entreprise lui notifie une mise à pied conservatoire, suivie d’une convocation à un entretien préalable à un licenciement. Le salarié est ensuite licencié pour faute grave, au motif de son état d’ébriété et de son retard.
Le licenciement pour faute grave lors d’une relation intime entre collègues est également possible si ces dernières interfère dans leurs rôles respectifs.
Décision prud’homale en faveur de l’employeur
Malgré son licenciement, le salarié décide de contester la décision devant le conseil de prud’hommes, notamment en raison de son ancienneté et de l’absence de tout antécédent disciplinaire.
Cependant, le 14 novembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Orléans confirme le bien-fondé de la sanction et pour l’instance, l’ébriété sur le lieu de travail, combinée au retard important, justifiait une faute grave.
Face à cette décision, le salarié choisit de faire appel et la cour d’appel d’Orléans rend une décision différente car tout en reconnaissant la nécessité d’éloigner le salarié du site pour des raisons de sécurité, elle prend également en compte le caractère unique de l’incident. La cour d’appel considère que la consommation d’alcool était exceptionnelle et que ce comportement ne risquait pas de se répéter.
Cause réelle et sérieuse, mais pas de faute grave
L’entreprise, insatisfaite du jugement, se pourvoit en cassation et le 11 septembre 2024, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel.
Elle considère que le salarié a effectivement commis une faute en se présentant en état d’ébriété, mais cette faute ne peut être qualifiée de grave.
La Cour rappelle qu’une faute grave implique un comportement rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même temporairement.
En l’espèce, la Cour de cassation souligne :
- l’ancienneté du salarié
- son absence d’antécédents disciplinaires
- le caractère isolé de l’incident
Ces éléments ne suffisent pas à justifier un licenciement pour faute grave, cependant, le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre la voie à des indemnités pour le salarié.
Voici les montants alloués au salarié après la requalification de son licenciement :
Type d’indemnité | Montant |
---|---|
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse | 27 000 € |
Indemnité conventionnelle de licenciement | 4 695,50 € |
Indemnité compensatrice de préavis | 4 507,68 € |
Indemnité de congés payés | 450,76 € |
Rappels de salaire correspondant à la mise à pied | 1 129,80 € |
Indemnité pour frais engagés en justice | 2 000 € |
Cette affaire montre bien qu’en matière de droit du travail, l’évaluation d’une faute grave est loin d’être automatique et la Cour de cassation insiste sur la prise en compte du contexte et du passé disciplinaire du salarié.
Si l’état d’ébriété constitue bien une faute, la gravité de cette dernière dépend des circonstances et de son caractère répétitif ou isolé.
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