Le Conseil d’État a récemment entériné une mesure qui bouleverse les droits des salariés en situation d’abandon de poste. À travers un décret publié le 17 avril 2023, cette haute juridiction a confirmé que tout salarié du secteur privé qui quitte son poste sans justification sera dorénavant considéré comme démissionnaire. Une décision qui prive ces salariés du droit aux allocations chômage, sauf dans des cas spécifiques. Cette réforme, largement débattue depuis son adoption à l’Assemblée nationale en octobre 2022, s’inscrit dans une démarche visant à limiter les abus tout en clarifiant les droits et devoirs des parties prenantes. Nous faisons le point sur l’abandon de poste et les droits au chômage qui y sont liés pour les salariés.
Sommaire
Une mise en demeure avant toute présomption de démission
Lorsqu’un salarié abandonne son poste, l’employeur est tenu de respecter une procédure stricte avant de présumer une démission. Cette démarche commence par l’envoi d’une mise en demeure, adressée par courrier recommandé. Ce document exige que le salarié justifie son absence ou regagne son poste dans un délai minimal de 15 jours.
En l’absence de réponse dans ce délai, le salarié sera réputé avoir démissionné, à moins qu’un motif légitime ne justifie son absence.
Parmi les raisons acceptées figurent les problèmes de santé, le droit de retrait, le droit de grève, ou encore le refus d’exécuter une tâche contraire à la réglementation. Cette procédure vise à garantir un cadre légal transparent tout en laissant au salarié une opportunité de régulariser sa situation.
Pour réussir à toucher le chômage lors d’une démission, il faut justifier une reconversion professionnelle ou bien le suivi du conjoint.
Les effets de l’abandon de poste sur les droits des salariés
Avec la confirmation de ce dispositif par le Conseil d’État, les salariés concernés s’exposent à des conséquences immédiates et significatives.
- Perte des allocations chômage : en cas de présomption de démission, le salarié ne pourra pas prétendre aux indemnités chômage, sauf justification d’un motif valable
- Exclusion des indemnités de rupture : aucune compensation financière ne sera versée au salarié pour rupture du contrat de travail
- Responsabilité accrue des employeurs : ceux-ci doivent informer le salarié des impacts de son absence prolongée et respecter la procédure de mise en demeure
Ce dispositif entend responsabiliser les deux parties : les employeurs, bien que favorables à cette réforme, doivent désormais fournir une notification précise, tandis que les salariés doivent être pleinement conscients des risques liés à une absence injustifiée.
Réactions et débats autour de la mesure
L’adoption de cette réforme a suscité de nombreuses réactions et les employeurs, souvent confrontés à des abandons de poste coûteux en temps et en ressources, saluent cette évolution. Selon eux, cette présomption de démission clarifie les règles et réduit les abus.
De l’autre côté, plusieurs syndicats, notamment la CGT et Solidaires, dénoncent une mesure déséquilibrée. Ils estiment qu’elle ne prend pas en compte les conditions de travail parfois dégradées qui poussent les salariés à quitter leur poste.
Selon une enquête de l’Unédic, environ 80 % des abandons de poste en 2022 étaient liés à des problématiques internes, telles que des tensions professionnelles ou des conditions de travail difficiles.
Voici les données sur l’abandon de poste en France :
Année | Nombre de cas signalés | Motifs légitimes (%) | Abandons liés aux conditions de travail (%) |
---|---|---|---|
2022 | 82 000 | 20 % | 80 % |
2023 (estimation) | 55 000 | 28 % | 72 % |
Une obligation d’information pour l’employeur
Le Conseil d’État a également insisté sur la nécessité pour l’employeur de notifier au salarié les conséquences de son absence. Cette information doit figurer dans la mise en demeure, laquelle précise que le silence ou le refus de reprise du poste entraînera la perte des droits au chômage et aux indemnités de rupture.
Cette exigence, indispensable pour garantir la transparence, réduit le risque de litiges et renforce la légitimité de la présomption de démission.
Cette réforme redéfinit les rapports entre salariés et employeurs. Si elle apporte un cadre plus strict, elle laisse néanmoins place à des débats sur les causes profondes des abandons de poste, souvent révélateurs de dysfonctionnements au sein des entreprises.
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